La villa des petites herbes
(Pas d'autres noms connus)

Février 2004




Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Je ne suis pas photographe et ne suis pas équipé pour cela.

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En dépit des quelques informations que l’on peut trouver sur Internet, la construction de cette bâtisse est incertaine. Il semblerait toutefois qu'elle remonte au début du siècle dernier car elle apparaît dans toutes les vues aériennes disponibles sur Géoportail (à partir de 1940). 

Les villas qui sont en ventes dans ce même village et ayant un style analogue (vaguement Normand) remontent à 1900 d'après ce que l'on peut voir sur seloger.

Une carte postale du milieu des années 30 me permet de confirmer mon ressenti. Il s'agit de la villa de droite. Sur cette vieille carte postale on y apprend le nom de la villa, nom qui m'a inspiré lors de la création de ce compte rendu mais qui est volontairement légèrement à côté pour ne pas laisser trop d’indices.

Ce lieu est ma référence en terme d'exploration pour la simple et bonne raison que c'est par celui-ci que j'ai commencé à explorer des maisons abandonnées et c'est pour retrouver cette même sensation que je pratique encore aujourd'hui ! Et grand malheur, je n'ai pas eu la présence d'esprit de prendre des photos lors de ses heures de gloires (car je n'avais pas d'appareil photo en 2004).

Faisant face à une voie ferrée, cette bâtisse a longtemps été occupée par une vieille dame qui résidait dans ma rue. Cette maison m'a toujours interpellé car elle détonait avec le style du quartier, qui restait dans la plus pure tradition des zones pavillonnaires construites à la hâte des années 70.

Gamin, je passais quotidiennement en me demandant ce qui pouvait bien se tramer dans une maison aussi atypique pour le quartier. La grand-mère sortait de temps en temps récupérer son courrier et nourrir 3-4 chats qui traînaient devant chez elle.

Jusqu'au jour où j'ai cessé de voir la boîte aux lettres se vider et les gamelles se remplir. Sorte de vase communicant du naufrage de la vieillesse.


Deux amis et moi avons attendu quelques mois pour aller visiter de nuit cette "maison hantée". Qu'elle ne fut pas notre surprise de voir la fenêtre arrière grande ouverte qui nous permettait d'entrer sans effraction !

Et là, grosse surprise, la maison avait été en pause. Tout était là. Nous sommes donc entré par la cuisine et avons pénétré directement dans le salon où trônait un magnifique piano et des fauteuils classieux, esprit grand siècle.

Un escalier en bois menait à un petit balcon qui permettait de desservir un étage et amenait vers des chambres intactes aux lits faits impeccablement, avec des correspondances, des livres et des photos qui traînaient un peu partout. Tout semblait être en pause depuis environ 70 ans ! Des tableaux étaient accrochés au mur dans les couloirs et tout semblait prêt à reprendre vie à la moindre occasion. L'ambiance était étrange mais diablement séduisante. Ainsi, nous avions l'impression d'être des invités et cela m'a incité à suivre une des règles que j'applique depuis ce jour : ne laisser aucune trace du passage et respecter le lieu quoiqu'il arrive.

En sortant, nous sommes allés faire un tour dans le jardin et avons trouvé un minuscule pavillon (entre la cabane de jardin et le studio), probablement un pavillon destiné, à l'époque, à un domestique. Du bric à brac s'empilait au rez-de-chaussée mais à l'étage, il y avait une chambre minuscule, toute mignonne, avec le strict minimum et ayant appartenu vraisemblablement à une femme. On y trouve un lit, une petite table et une armoire pleine de vêtements de dames. Il y avait aussi un magnifique buste qui permettait d’étendre une veste de qualité qui devait servir pour de grands occasions.

Nous partons. Et reviendrons à quelques reprises, passer quelques longues après-midi dans les chambres du manoir sans jamais rien détériorer ou déplacer. Nous n'explorerons jamais la cave. Au fil du temps, je me sentais véritablement proche de ce lieu ! La seule photo d'époque que j'ai de cette bâtisse date du 25 février 2004, totalement ratée, avec une vue imprenable sur le portail en bois délabré. Je n'ai jamais osé, à l'époque, prendre de photos, de peur de me faire attraper par la police.

MAJ Mars 2016 Plus de 10 ans ont passé et le hasard me ramène dans ce village où j'ai grandi. J'ai tenu à passer devant la villa. Un grand panneau "à vendre" y figure mais j'entends des voix au delà des volets fermés. Je n'arrive pas à distinguer ce qu'il s'y dit, ni même si il s'agit de français. Je m'amuse à constater la présence d'un petit chaton au loin dans les broussailles mais je m'y refuse à rentrer n'étant pas seul, on ne sait jamais comment pourraient tourner les événements et je ne souhaite pas impliquer la personne qui est avec moi dans un coup foireux. De plus, étant en pleine journée, c'était tout sauf discret et je sais les voisins aux aguets. Je décide d'y retourner quelques mois plus tard, seul et très tôt le matin.

Cette fois-ci, pas un bruit, mais le lieu s'est détérioré et le panneau "à vendre" est cassé.

Constat, le lieu est en fait squatté. Il y a des sacs poubelles, des serviettes, des bouteilles d'urines qui traînent, des vélos et des déchets un peu partout. Les portes semblent maintenues fermées avec des sangles et les poignées ont été enlevées pour empêcher une ouverture de l'extérieur.





Toutefois, très intéressé par ce lieu, je tente malgré tout une approche en me disant qu'ils n'occupent peut être pas le mini pavillon à l'arrière de la maison. Les bambous ont envahi les lieux et il y a des déjections un peu partout sur le petit chemin qui mène à cette cabane élaborée, véritable maisonnette qui aurait toute sa place dans un RPG à l'ancienne. Je suis révolté intérieurement de voir ce lieu aussi souillé par de vulgaires marauds !

Marrant, il y a toujours plein de chats (on aurait pu appeler le lieu, La villa des chats) par contre, la construction a malheureusement été taguée et il y a une antenne TV, signe que le lieu est probablement occupé clandestinement mais qu'on y capte le courant.


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L'entrée peut se faire par le côté, je tente ma chance en faisant volontairement du bruit pour entendre une éventuelle réaction dans la chambre (dont la porte en haut du petit escalier qui mène à l'étage, semble fermée).
Pas de retour, la pièce est donc probablement vide mais je n'en mène pas large.

Il y a un loquet qui n'est pas verrouillé et je pousse avec force cette vieille porte qui racle contre le sol.
Mon sentiment était exact, ce lieu est squatté. Dans la pièce minuscule d'environ 9m², un lit, des posters de femmes, un micro onde, du linge et des livres.



Mes mains sont tremblantes et je peine à prendre des photos car j'ai peur de me retrouver face à quelqu'un de mal attentionné qui semble pouvoir surgir de nul part tant tout est en désordre. Je prends toutefois le temps de regarder rapidement les livres. Tout est écrit en turc. Il y a également ce qui semble être un calendrier de prières islamiques produit par un supermarché turc situé dans un département de la petite couronne Parisienne (très loin d'ici).

Je me demande clairement ce que font des squatteurs turcs dans ce village au fin fond de la pampa. Ils ont au moins la garantie d'être à l'aise et une gare est à proximité pour pouvoir se déplacer. Pour le coup, je ne suis pas à l'aise tant j'ai l'impression d'être en pleine effraction dans une maison habitée.

Petit tour très discret des lieux on y voit des vélos de tailles différentes. Il y a peut être des enfants et quelques anciens meubles sont sortis.



Cela ne sent décidément pas bon du tout ! Je repasse vers la bâtisse principale, la porte de la cave est ouverte, mais il y a un véritable capharnaüm à l'intérieur.

Je décide de quitter les lieux au plus vite. Je ne le sens pas du tout !




J'y retournerai, c'est une certitude, car je perçois la démolition proche. En effet, les grands jardins autour de la demeure ont tous été vendus et des pavillons sont en train d'être construits des deux côtés ! Le temps est donc compté et c'est aussi cela que j'aime, être pressé par un bâtiment à l'abandon !



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